Quand la CGT empêche l'élargissement du mouvement !

Publié le par HIRSCH

Jeudi 5 juin 2008
Sans-papiers : tentative de faire le point

Presque deux semaines qu'un article n'a pas été publié sur le sujet sur ce blog. Un signe évident, celui d'un certain enlisement.
Tentons de regrouper les informations qui nous sont arrivées, et nous invitons surtout nos lecteurs à réagir, soit pour apporter de nouvelles informations, soit pour confirmer ou infirmer les éléments d'analyse ci-dessous, qui sont bien parcellaires.

Concernant les régularisations.
Le 29 mai : 54 salariés grévistes auraient leurs papiers à Paris :
    * 23 chez PAPA,
    * 8 chez Fabio Lucci
    * 9 salariés sur le chantier Xiantrailles dans le 13ème arrondissement :
    * 2 de l'entreprise Bateg (78), 7 de l'entreprise Deremet (92).
    * 5 à la Pizza Marzano
    * 9 chez Market
2 salariés de CDT (BTP), en grève dans le 17ème, un de chez Barrio Latino et un autre de Barlotti, en grève dans le 12ème, ainsi que 6 autres du restaurant Breteuil, dans le 7ème, sont convoqués aujourd’hui (le 29).
D'autres régularisations ont eu lieu en banlieue (92, 93, 94) mais on est très très loin du compte.

Concernant l'élargissement de la lutte
Tout d'abord, le constat est fait qu'il n'y a pas d'élargissement en province. La direction confédérale de la CGT a semble-t-il fait diffuser largement
la note confédérale de F.Blanche et R.Chauveau du 2 mai, mais non pas pour élargir la lutte, comme cela pourrait le laisser penser, mais pour le freiner. Il y est en effet écrit que tant que la première vague n'est pas régularisée on ne fait rien. Par ailleurs, nous voyons que là où il y aurait un potentiel de départ, la CGT locale freine des quatre fers.
Ensuite, partout le conflit est localisé, circonscrit localement. C'est à dire que la grève se mène au cas par cas, entreprise par entreprise, et surtout sans généralisation, échange, rencontres autres que locales. Alors qu'il y a une multitude d'initiatives et d'expériences qui mériteraient au moins de se retrouver et de se confronter. "Tous ensemble" ne devrait pas être qu'un slogan ! Donc sans moyen de constituer une force politique globale face au gouvernement. La CGT veut conserver son rôle d'interlocuteur privilégié,  et ne veut pas d'élargissement. Comment imaginer gagner ainsi face à la bande Sarkozy - Fillon - Horttefeux ?
Dans un article précédent, nous avions critiqué la CGT d'être "à l'arrière-garde" du mouvement, c'était peut-être un peu excessif (on nous l'a reproché), mais en tous les cas elle tire de toutes ses forces en arrière. C'est d'ailleurs proprement stupéfiant quand on voit la popularité de ce conflit parmi les militants de la CGT à l'occasion des rencontres et congrès divers.
Concernant la région parisienne, l'élargissement semble de plus en plus confus et anarchique. Des entreprises sont rentrées en grève de manière impromptue (Griallet à Montreuil), des grèves s'ouvrent dans des restaurants ou des entreprises, au fil de la motivation des travailleurs et des collectifs de soutien, sans plus aucune planification et d'organisation véritable. La notion de "vague" parait complètement dépassée, et on ne voit plus de pilote dans l'avion.
Enfin, chaque fois que cela a lieu, le soutien aux sans-papiers est porté par une poignée de militants déterminés, et pas du tout par la CGT dans son ensemble. Alors que la confédération sait mobiliser massivement quand elle veut (voir l'opération en cours pour le 17 juin, un million de manifestants annoncés, le rouleau compresseur  est lancé dans la CGT !) elle ne fait rien pour soutenir, élargir, aider les militants du soutien aux grévistes sans-papiers. C'est évidemment un choix politique, car le soutien à une grève nécessite une logistique et une popularisation extrêmement importante, sans parler des démarches administratives.
En conclusion, la direction de la CGT semble naviguer à vue, un peu dépassée par l'opération qu'elle a lancée, mais faisant tout pour en garder le contrôle par en haut.

Par ailleurs, les syndicalistes de classe ne semblent pour l'instant pas en capacité de développer le mouvement par eux mêmes, à la fois du fait de leurs forces et du poids de la CGT sur le mouvement face auquel il est impossible de faire l'impasse. C'est par exemple le problème auquel sont confrontés les militants de SUD et de la CNT qui tentent de leur côté d'élargir la lutte. Et comme  l'affrontement d'orientation à l'intérieur de la CGT reste feutré et interne, sans démarcation et conflit ouvert, et bien rien ne bouge... C'est un des constats majeurs de la situation actuelle.

Concernant l'occupation de la Bourse du Travail par la CSP 75
Contrairement à des rumeurs qui avaient circulé sur l'évacuation par  le service d'ordre de la CGT, la phase actuelle (mais pour combien de temps ?) est celle de la négociation. Une première réunion a eu lieu le 1er juin (dont voici
le compte rendu), une autre a lieu le 8 juin, et voicici-dessous le dernier communiqué des délégués. On notera une nouvelle fois que l'enjeu semble se cristalliser sur la question des dossiers, alors qu'à l'évidence le problème n'est pas là. Solidaires en a encore fait l'amère expérience, puisque le dépôt de ses dossiers en préfecture a été proprement refusé... Par ailleurs, le communiqué du 1er juin pose de manière intéressante la question de l'élargissement et de la coordination du conflit lui-même.
"Communiqué des délégués de la coordination   75

A l'issue de la réunion d'hier soir, où il y avait une délégation de l'intersyndicale, et 4 associations représentées chacune par une personne (Gisti, Cimade, Mrap, autremonde), et une dizaine de responsables de la Coordination 75.
Nous avons fait remarquer que la coordination n'avait pas été prévenue de la présence des ces membres des associations, qui, de plus, ne nous soutiennent pas depuis que nous sommes à la bourse du travail.

Voici les propositions faites par les sans papiers à l'intersyndicale :
- dépôt de dossiers groupé et suivi
- parrainage par les syndicats
- appui par rapport aux employeurs (et aux syndicats patronaux)

Une commission a été mise en place avec un représentant de chaque  organisation syndicale, plus cinq délégués de la coordination 75. La première réunion de cette commission devrait avoir lieu demain mercredi.
Je suis d'accord pour que les associations soient associées à cette commission mais j'attends la confirmation de tous les délégués. Je propose aussi que nous choisissions nous mêmes des personnes que nous jugeons compétentes, qui sont en même temps nos soutiens  depuis le début.

A titre personnel, je pense que nous sommes capables de traiter les dossiers  des sans papiers qui travaillent, avec feuilles de paye, contrats de travail etc ... nous faisons ces dossiers depuis des années.
Par contre, les dossiers des sans papiers qui n'ont ni feuilles de paye, ni contrat de travail, sont plus difficiles à préparer et là, peut-être que les associations pourraient les appuyer.

Nous ne souhaitons pas nous dessaisir des dossiers.
Nous pensons que l'intersyndicale est très bien placée pour défendre nos dossiers auprès des employeurs et des syndicats patronaux, ainsi que des préfectures.
On ne quittera pas la bourse du travail sans avoir des réponses claires à nos revendications, ni des engagements très précis de la part de l'intersyndicale.

Une rencontre au Ministère nous semble nécessaire car de nombreux sans papiers qui occupent actuellement la bourse n'habitent pas Paris, et les rapports avec les Préfectures risquent de n'être pas simples, sans décision expresse du Ministère.

Rappel : REUNION DE TOUS LES COLLECTIFS SANS PAPIERS DE FRANCE LE DIMANCHE 8 JUIN A 11 H 00 À LA BOURSE
Sissoko

 
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