Syndicalisme réformiste ou syndicalisme de classe ?

Publié le par HIRSCH

Samedi 28 Juin 2008
Lettre ouverte de masse aux états-majors syndicaux

Depuis début juin circule largement une pétition adressée aux directions syndicales, critiquant à la fois leur alignement sur les "négociations" du gouvernement Sarkozy/Fillon, l'absence de recherche du Tous Ensemble, un des mots d'ordre les plus populaires des manifestations, et la succession de journées d'action bidon sans efficacité.
Cette pétition (voir le texte ci-dessous) rencontre un succès certain puisqu'à ce jour (28 juin) plus de 1100 syndicalistes l'ont signée. Par ailleurs, elle manifeste la recherche d'un syndicalisme au minimum plus combatif, à voir l'encombrement des mails des signataires (puisque la pétition est associée par défaut à une liste de diffusion, ce qui  par ailleurs est une excellente idée).
L'unité dans les luttes, voilà ce qui fait le succès de cet appel. C'est la réapparition, dans la période particulièrement sensible que nous vivons (décrite au début de la pétition), de cette aspiration permanente à l'unité, à la lutte de classes qui existe chez les syndicalistes, les militants qui en ont ras le bol de se faire laminer attaque après attaque, défaite après défaite, et qui ont la rage de voir leurs dirigeants syndicaux refuser de mener le combat. C'est par exemple la même aspiration qui avait conduit à la tentative de Coordination des Luttes autour des Lu-Danone en 2001.
A ce titre, il faut signer cette pétition, renforcer son succès, et nous invitons les lecteurs du blog à s'y investir, en allant sur le site de la pétition.

Pourtant, nous ne rêvons pas trop, et cette pétition finira probablement comme les nombreuses autres initiatives dans le même sens ayant eu lieu toutes ces années passées (car le problème soulevé n'est pas nouveau...).
C'est la raison qui nous fait un peu "prendre le train en marche" :
  • Que penser d'une adresse aux états-majors syndicaux ? Depuis toujours, nous refusons cette démarche. Nous nous adressons aux syndicalistes, aux militants, aux travailleurs combatifs pour expliquer que les directions syndicales ne sont pas "des amis qui se trompent, mais des ennemis qui se cachent". C'est à eux que nous nous adressons, pour combattre et destituer ces directions qui sont dans le camp de la bourgeoisie. "La balle est dans le camp des directions syndicales nationales" dit le texte : nous ne sommes pas d'accord. La balle est dans notre camp.
  • L'unité dans les luttes ? Nous sommes à fond pour, et prêts à saisir tout petit bout de fil qui pourrait aller dans ce sens. Mais il faut y donner un contenu. "Remettre la France sur la voie des libertés démocratiques et du progrès social", c'est un contenu, et nous ne  le partageons pas. Déjà, c'est supposer qu'elle a déjà été sur cette voie. C'est le discours du PCF des années 80, d'ailleurs encore aujourd'hui répandu à pleines pages dans l'Humanité. C'est escamoter tous les débats, toutes les contradictions qui existent dans le mouvement ouvrier et syndical, qui font que nous vivons une période de "confusion". C'est une perspective réformiste, le rêve perdu d''un captialisme à visage humain. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le texte reste silencieux à l'égard de la "gauche" officielle alors qu'il tape à coups redoublés (et bien sur à juste titre !) sur l'UMP et la droite.
Cela dit, la plupart des signataires ne sont évidemment pas rentrés dans ces débats, et nous les comprenons bien. Ils signent parce qu'ils en ont ras le bol d'en prendre plein la tête et attendent une riposte à la hauteur de l'attaque. En ce sens, nous sommes dans le même camp.
Cette pétition prend de l'ampleur, elle est arrivée au bon moment, elle permet des liens et des rencontres entre signataires. Quelles que soient nos réserves nous pensons que c'est une opportunité, alors, saisissons-là !


Le texte de la lettre ouverte :

Face à la casse généralisée des acquis populaires, seule la construction d'une action déterminée « tous ensemble et en même temps » permettra de stopper la rupture sarkozyste et de remettre la France sur la voie des libertés démocratiques et du progrès social !

Blocage de fait des salaires et pensions, démantèlement de la Fonction publique, de l’Education nationale, et des autres services publics (hôpital, SNCF, EDF-GDF, poste, F.T., impôts…), casse et délocalisation de l’emploi industriel, démolition des conventions collectives, du droit du travail, des statuts publics, étranglement des retraites à répartition et de la Sécu, traque des chômeurs, harcèlement contre les ouvriers sans papiers tout juste bons à payer des impôts, destruction du CNRS, privatisation rampante de l’Université… la « rupture » sarkozyste s’attaque avec brutalité à l’ensemble des acquis sociaux, républicains, laïques et démocratiques du peuple français sous l’impulsion du MEDEF et de l’Union européenne, qui ne cesse de sommer la France de réduire dépenses publiques et sociales. En ce début d'été 2008, la France subit une contre-révolution euro-libérale de grande ampleur et une régression sociale sans précédent depuis 70 ans.

Face à cette offensive mortelle, les Français rejettent massivement la politique socio-économique du gouvernement. Une large majorité de salariés se dit prête à participer à un mouvement d’ensemble pour arrêter le rouleau compresseur de l’UMP et du MEDEF. Des luttes nombreuses et résolues ont lieu (salariés du public et du privé, chômeurs, lycéens, retraités et assurés sociaux, mais aussi travailleurs indépendants écrasés par une politique entièrement au service des grands actionnaires). Notre peuple, sa jeunesse et ses travailleurs, ne se résigne à devenir un peuple d’esclaves !

Pourtant la plupart des états-majors syndicaux continuent d'accompagner la « rupture ». Au lieu de dénoncer l'ensemble de la politique antipopulaire d'un gouvernement qui s'attaque au droit de grève et refuse tout compromis, ils entretiennent la fiction de « négociations » sujet par sujet et signent des accords régressifs, sous prétexte d'obtenir un « moindre mal »... qui débouche toujours sur le pire. Car signer avec Sarkozy, c'est lui donner de l'oxygène pour continuer à casser ensuite (le dernier épisode en date étant la signature du désastreux accord sur la « représentativité syndicale » par les directions CGT et CFDT, sur laquelle le gouvernement s'est immédiatement appuyé pour annoncer que le temps de travail serait désormais « discuté » par entreprise).

Parallèlement, les directions confédérales, pourtant censées coordonner les luttes et les revendications à l'échelle inter-pro, s'appliquent à multiplier les ripostes dispersées, chaque secteur étant appelé à son tour à de grandes journées d'actions isolées et sans perspective. S'agirait-il alors d'organiser des barouds d'honneur à la seule fin de donner des gages à une base combative ? En tout cas, le chef de la CFDT vendait récemment la mèche, en s'inquiétant dans le Monde de ce que le gouvernement « nous entraîne dans une mobilisation globalisante, ce contre quoi j'ai toujours résisté, y compris dans la CFDT » ...

Dans ces conditions, le choix est aujourd'hui plus que jamais pour chaque profession de perdre séparément en plongeant pour longtemps dans l’enfer de l'exploitation sans limite, ou de construire démocratiquement et d’urgence une action « tous ensemble et en même temps » pour gagner et ré-ouvrir enfin des perspectives progressistes.

Les signataires de cette lettre s’engagent à tout faire pour faire monter cette exigence dans leur entreprise, leur quartier, leur syndicat. La balle est dans le camp des directions syndicales nationales qui doivent cesser « d’accompagner » la rupture afin de reprendre le seul chemin gagnant : faire le lien entre toutes les contre-réformes, travailler concrètement à préparer avec les salariés les conditions de l’affrontement de classe victorieux avec ce pouvoir destructeur, construire l’unité dans l’action des travailleurs et de la jeunesse.

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